RENCONTRES TAURINES organisées par SUERTE (1)sur le Mouvement Anti-taurin  à Arles le 30 janvier

Etrange sentiment au moment de pénétrer dans la salle du colloque. Comment allait se passer cette  confrontation entre les anti taurins qui seraient sûrement dans la salle et l'intelligence taurine personnalisée par Francis Wolff et Annie Maïllis  ? Une envie d'apaisement des tensions habituelles m'envahit et si cela pouvait  se passer ainsi : juste s'écouter et entamer un dialogue, confronter les arguments des uns et des autres, sans violence. L'exercice était de haut vol. Et une brusque envie de faire mentir un certain président de l'ONCT qui s'exprimait ce matin là sur un site taurin éminemment précurseur en son temps, mais dont l'évolution confusionnelle et sélective ,finira bien un de ses jours par porter tort à toutes les causes que nous défendons. Voir donc l'édito du samedi 30 janvier sur Terres Taurines , véritable tentative de sabotage pour ce colloque préparé par Francis Wolff et Annie Maïllis.

A toutes fins utiles pour ne pas entâcher la coordination des clubs taurins du pays d'Arles que je préside cette année, j'annonce que je ne représenterai pas à ce poste lors de l'assemblée générale du 26 février 2010. Donc je vais continuer à causer de tout ce qui ne me plait pas dans le monde taurin et à mettre en valeur tout ce qui me parait héroïque et désinteressé.

C'est pour cela qu'avec mes moyens, je vais essayer de vous faire partager mon bonheur d'avoir pu plonger dans ce bain d'arguments pertinents, intelligents et pourtant à la portée de tous.

L'introduction d'Hervé Schiavetti, maire d'Arles et les ouvertures d'Annie Maillis et de Francis Wolff nous invitent au calme et à la réflexion. Trois courants anti-taurins, tout d'abord celui qui repose sur la sensibilité, un autre sur l'argumentation contre la corrida et le dernier que l'on peut appeler le courant animaliste qui met en avant une cause animale, un droit des animaux, qui au final met en péril les valeurs humaines. Ce dernier courant est à combattre et ses dangers sont à mettre en lumière car il favorise le fétichisme et des actions dangereuses pour la survie des espèces. Et les animaux sont détournées de leur véritable nature.

L'éclairage du psychanaliste Roland Chemama, intervenant sur la question , "que refuse de voir l'animaliste?, nous a permis de nous rappeller que la nature humaine oscille entre ses besoins primitifs et ses désirs d'élévation en passant sans arrêt du futile au nécessaire et c'est bien cela le propre de l'Homme. Si ce passage de l'un à l'autre n'existe plus, c'est l'Homme qui est en péril, c'est le risque que fait courrir l'animaliste à l'espèce humaine.

Jean Pierre Digard , chercheur au CNRS centra son propos sur le thème "Zoomanie et animalisme, Ethnographie d'un anti humanisme" . L'approche de l'ethnologue est particulièrement intéressante et à retenir. Extraits "Raisons et déraisons des revendications animalitaires" novembre 2009

"Trois types de rapports aux animaux caractérisent la société occidentale

- des relations effectives d'élevages et d'utilisation des animaux de "rente" qui sont le fait de professionnels (agriculteurs, éleveurs..) devenus minoritaires

- des relations effectives à dominante affectives avec des "animaux de compagnie", fait d'amateurs majoritaires.

- des relations fictives , imaginées et conçues comme un idéal à atteindre par des militants"animalitaires" ultraminoritaires mais hyperactifs, qui se présentent indûment comme les porte parole d'une majorité silencieuse."

Ces trois types de rapports aux animaux décrits par Jean Pierre Digard peuvent être consultés à l'aide de ce lien

http://www.torofstf.com/pagesinvites/150207digard.htm conférence donnée à la Fédération des Sociétés taurines de France en 2007.

Le Toro de combat est cet animal à statut intermédiaire : animal domestique élevé dans un milieu naturel de grands espaces (élevage extensif) mais sélectionné pour en conserver toute  la sauvagerie et toutes les qualités de combattant en référence à son ancêtre l'auroch.

Une suite logique avec la prestation de notre concitoyen Alain Dervieux, ingénieur écologue sur le théme Enjeux écologiques de l'élevage extensif de taureaux en particulier en Camargue .

Une pause déjeuner , non loin de là pour reprendre au plus vite les débats à 14h avec toujours la présence du Flac (fédération des luttes pour l'abolition des corridas) qui distribuait  pacifiquement un tract à l'entrée de la salle.

L'après midi, j'avais l'honneur de présider la séance. Je saluai nos deux invités de l'après midi par cette petite introduction :

"je voudrais de ma place de simple aficionada, saluer l'envol des idées permettant de défendre la Tauromachie. Annie Maillis et Francis Wolff sont des bâtisseurs de cette élévation. Cette dimension intellectuelle manquait cruellement à la compréhension de la corrida. Cette intelligence taurine ouvre le dialogue entre le monde clos de la corrida et l'extérieur. Cette intelligence taurine nous fait grandir aujourd'hui plus que jamais. Elle s'adresse aussi à nous aficionados et nous permet de trouver le sens profond de nos émotions taurines. Elle interpelle aussi le grand public, étranger à la Tauromachie et en ce jour, va au delà en consacrant ses travaux à la compréhension des mouvements anti-taurins. De bons augures pour le respect de toutes les idées et donc de la Démocratie."

Annie Maïllis , professeur en classe préparatoire aux grandes écoles au Lycée Daudet à Nimes aborda avec brio, passion et conviction le théme "Ce taureau qui rassemble les hommes", des premières manifestations anti-taurines à Paris lors de la première exposition universelle aux ferrades cosmopolites des Salins de Giraud au coeur de sa Camargue, Annie captiva son auditoire par la ferveur de son engagement pour que la Tauromachie vive et soit comprise comme une valeur propice à l'épanouissement de l'Homme.Elle nous rappela l'importance des écrits de Michel Leiris.

Francis Wolff, professeur de Philosophie à l'Ecole Normale Supérieure de Paris nous avait fait le matin le cadeau de son opuscule "Cinquante raisons de défendre la corrida" (2) nous alerta sur les "séductions et dangers de la nouvelle éthique compassionnelle animaliste" . S'il y a séduction, c'est que les propos des animalistes peuvent plaire à la plus grande majorité par leur caractére compassionnel avec la "cause animale" bien au delà de la cause humaine. Cela est d'autant plus grave que l'Homme ne vit plus auprés des animaux, ou en a une représentation dénaturée.

" L'animal n'est donc plus dans l'imaginaire occidental contemporain, ce qu'il était dans l'imaginaire classique, la bête terrifiante ou l'animal au travail, mais c'est la victime ou la mascotte". "on ne peut mettre dans le même sac le taureau de combat et l'animal de compagnie"."Voilà le fantasme qui alimente les idéaux de la libération animale"

Francis et Annie répondront aux questions écrites de la salle, qui malgré le tirage au sort émaneront toutes des adversaires de la corrida. Il est à noter que de nombreux auditeurs venaient de trés loin ou des villes voisines, trois membres seulement de la CTEM arlésienne et une trés faible représentation des clubs taurins de la ville. Catherine Le Guellaut animera une table ronde avec Luis Corrales, fondateur de la Plateforme de la défense de la fiesta en Catalogne, Marc Moustacakis, directeur pôle culturel SAN Istres, Estelle Rouquette, conservateur du Musée de la Camargue et Francine Yonnet, présidente de l'association des éleveurs de toros de combat, personnification de la passion tranquille pour le Toro de Combat.

Malgré quelques menus aboiements des adversaires de la corrida présents dans la salle, le colloque a pu se dérouler en plaçant la Tauromachie au plus haut niveau, et le Fête des Toros s'est aussi exprimée dans ce théatre avant de se dévoiler dans la Grande Halle.

EVelyne Lanfranchi Monleau

photos La Provence

(1)SUERTE (société d'études et de recherches sur les Tauromachies Européennes)

(2)FRANCIS WOLFF  Cinquante raisons de défendre la corrida. Editions Suerte 5 euros en vente à la Boutique des passionnés, rue réattu à Arles ou en contactant asso.suerte@gmail.com ouvrage indispensable .